vendredi 28 juin 2013

Sur les bords

Richard Serra, Slow Roll, for Phil Glass, 1968
Ed Ruscha, Sans Titre (Newspaper Sculpture), 1960
Jan Svoboda, Traité sur l'espace, 1971
Les sculptures de Richard Serra, comme Sequence, 2006, sont souvent photographiées d'en haut. L'image révèle la beauté du dessin des courbes qu'en bas le visiteur parcourt sans les voir globalement. Les premières Roll pieces de Serra étaient photographiées depuis le côté. Elles ne sont pas encore destinées à être explorer avec le corps mais offrent au regard leur contours dont ce bord où est inscrite la logique simple d'un geste qui résonne non seulement dans une forme mais aussi dans un matériau, ici le plomb.

Au tout début de son travail, la photographie est pour Ed Ruscha un moyen d'exploration et de fabrication de matériau destiné à être utilisé dans la peinture. A partir d'objets ordinaires qu'il manipule, dispose pour l'objectif de l'appareil.

Pour Jan Svoboda, la photographie se définit comme traité, comme essai ou préimage – c’est-à-dire : méthode ou hypothèse de recherche. Elle est une tentative sans cesse recommencée et toujours inachevée de faire advenir le concept de l’objet. Dans Traité sur l'espace deux feuilles roulées dans la lumière suggèrent l'espace, le font advenir. L'espace est contenu.

"L'oeuvre est contenu. L'oeuvre n'est pas liste." Svoboda

"Je pense que la signification de l'oeuvre réside dans l'effort pour la faire et non dans les intentions que l'on a." Richard Serra, entretien avec Liza Bear, 1973

"Je ne sais pas ce que le mot "espace" veut dire...Je continue de l'utiliser, mais je ne sais pas ce qu'il signifie." Gordon Matta Clark

"Je veux être le Henry Ford de la fabrication de livres." Ed Ruscha


Gordon Matta-Clark, Bloc de papiers découpés, 1974, 72,5 x 98,5 x 5 cm
Oui, une découpe c'est très analytique. C'est l'investigation ! L'investigation essentielle. L'échaffaudage d'inspecteurs vigilants. Initialement j'ai aussi voulu aller au-delà des choses visuelles. Bien sûr il y a des conséquences visuelles à la découpe, certainement au déplacement, mais c'était comme le bord mince de ce qui était vu qui m'intéressait tant, sinon plus que les vues qui étaient créées.

Par exemple les couches, les strates, les différentes choses qui ont été tranchées, révélant comment une surface uniforme est établie. Le moyen le plus simple de créer de la complexité était une des préoccupations formelle ici, sans devoir faire ou construire quoi que ce soit.

Gordon Matta Clark, entretien avec Liza Bear, 21 mai 1974


Françoise Goria, Sans titre, 2011
Il faut photographier le bord des choses.

mardi 11 juin 2013

Le caramel et l'explosif

Luis Camnitzer, The Photograph, 1981
Luis Camnitzer est né en Allemagne en 1937, il a grandi à Montevideo et il vit et travaille à New York depuis 1964. Il est à la fois artiste, critique, enseignant et théoricien. Associé aux artistes conceptualistes américains des années 1960 et 1970, Luis Camnitzer a développé depuis une œuvre autonome basée sur le sens du détail, un esprit caustique, et un engagement politique.
De 1964 à 1970 il a dirigé le New York Graphic Workshop, avec l'artiste argentine Liliana Porter et le Vénézuélien Guillermo Castillo. Ensemble ils ont approfondi et étendu le concept du printmaking. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, Camnitzer a développé un corpus d'œuvres explorant le langage en tant que médium. Il répond alors à travers ses pièces à la situation sociale et politique liée aux régimes militaires latino-américains et pointe aussi la dynamique politique de son pays d'adoption les États-Unis.
Au cours des années 70 son travail mélange l'humour et le langage et jusqu'à aujourd'hui il interroge le statut de l'artiste, la question de l'original, la copie, la valeur de l'art, l'indépendance de l'artiste et le rôle de l'enseignement.

Luis Camnitzer, The Discovery of Geometry, 58 x35 cm, 1978  
"Je pense que l'oeuvre, ça se passe dans celui qui regarde, pas dans l'objet d'art. L'objet fonctionne comme une fenêtre ou un chariot qui communique entre l'artiste et le regardeur. Je veux que l'oeuvre d'art agisse comme une grenade. La partie "artistique" est un caramel qui entoure l'explosif." Luis Camnitzer

Luis Camnitzer, The Uruguayan Torture, 1983
extrait des 35 images de The Uruguayan Torture  :

He practiced every day.
He feared thirst.
The instrument was explained in detail.
The touch reclaimed spent tenderness.
Her fragrance lingered on.
The weight drove his pulse into the wall.
Luis Camintzer
Luis Camnitzer, Landscape as an Attitude, 25 x 20 cm, 1979
Une interview de l'artiste : ici


Luis Camnitzer, Arbitrary Objects and Their Titles, 1979/2011, détail