mardi 5 septembre 2017

Nostagia

Hollis Frampton, photographies de nostalgia, 1971
En janvier 1971, Hollis Frampton rassemble 12+1 de ses premières photos afin de réaliser son film nostalgia, au cours duquel elles ont été brûlées devant la caméra. En 1984, il a décidé de refaire les tirages et de les exposer associées aux textes lus dans le film.


Hollis Frampton, 4 photographies de nostalgia, 1971

Hollis Frampton, nostalgia (extraits), 1971, film, 38mn 
Au début du film Hollis Frampton annonce montrer 12 photos. Il en montre et en commente 13. La première n'est pas commentée, la dernière n'est pas montrée.

Le film est basé sur la disjonction texte/images. Le récit que l'on entend sur la photo filmée porte sur la photo suivante, celle que nous allons voir. C'est un récit d'anticipation. D'abord, nous ne le savons pas.

Chaque fois qu'une photo apparaît dans le cadre, un récit débute qui ne cadre pas. En même temps que je fais tout de même 'coller' certains éléments du texte présent à la photo, certains éléments de la photo me remémorent le récit passé. Curieusement, sur chaque image, il y a deux textes dont l'un que je reproduis de mémoire. C'est une sorte de persistance auditive qui se manifeste.

Chaque photo est filmée posée sur une plaque électrique chauffante et brûle doucement pendant le plan, souvent sans flammes, d'abord pendant le commentaire. Lorsque celui-ci s'arrête, l'image a déjà disparue et nous voyons et entendons l'objet-photo (picture) calciné se rétracter et bouger doucement jusqu'à l'écran noir.

Tout au long de sa présentation à la caméra, la photographie est en mouvement, elle se transforme, noircit, retrécit, craque et se contorsionne jusqu'à l'illisibilité et l'immobilité. L'image-mouvement du cinéma enregistre le mouvement de l'image photographique soumise à la chaleur. Mouvement-mesure et mouvement-durée.

La photo peut bouger encore longtemps après la fin du récit et après la fin de l'image (1 mn 30). Nous la regardons se recroqueviller, se plisser, se déchirer, s'affiner, se fragiliser. Comme on regarde un nuage en mouvement qui se délite. Je vois alors d'autres images, des animaux ? (paréidolie).

D'une certaine manière le feu révèle autrement la photo. C'est une révélation en mouvement, comme dans le labo photo, mais inversée : disparition puis apparition, réalité puis illusion. Spectateur, nous projetons une image mentale dans la durée de l'expérience.


Hollis Frampton, nostalgia, 1971, film, 38mn


Nostalgia
En grec le mot signifie 'les blessures du retour'. La 'nostalgie' n'est pas une émotion qui est entretenue, elle est soutenue.Quand Ulysse revient chez lui, la nostalgie, c'est lorsqu'il a la gorge serrée, ce n'est pas le plaisir frémissant qu'il trouve à être chez lui à nouveau. Dans mon film, je reprends possession de quelques moments où j'ai eu la gorge serrée à cette époque comme photographe à New York. Vous avez remarqué qu'il n'y a pas de triomphe dans le film ; ce n'était absolument pas une époque à laquelle je me reportais avec 'nostalgie' au sens pathétique que l'on donne actuellement à ce mot, pas du tout... 
Hollis Frampton

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